Le Salon Beige signale que, selon l'usage, "une messe de réparation a
été célébrée par Monseigneur Jérôme Beau, évêque auxiliaire de Paris, en
présence de Monseigneur Patrick Jacquin, recteur-archiprêtre, de
prêtres de la cathédrale et de quelques fidèles dont des membres du
personnel".
Nous reprenons par ailleurs ci-après l'article mis en ligne par l'abbé de Tanouarn qui a connu Dominique Venner. Ajoutons pour notre part quelques lignes. Cet écrivain et historien ne partageait la foi qui nous anime. Agnostique, voire hanté des pensées païennes, il s'est cependant toujours
engagé avec passion, courage, esthétisme et honneur dans le combat pour
son pays, pour son peuple et le respect de toutes les identités face aux
mondialisme triomphant. Ainsi, par exemple, quand presque tous les Français de métropole se satisfaisaient de leur confort et acceptaient sans broncher la voie de déshonneur et de trahison choisie par général de Gaulle, une fois retourné au pouvoir et à 180° de ses engagements publics à Alger, il a su s'engager dans le combat, jusqu'au bout, jusqu'au complot, pour l'Algérie française et a connu la prison gaulliste.
Son geste n'a nullement cherché à profaner la maison de Dieu comme les Femen lors de leur intervention à Notre Dame. Héritier des Romains et des Grecs, éloigné de Dieu, mais peut-être également en souffrance intérieure d'en être séparé, il a désiré offrir sa vie dans un lieu sacré.
Puisse ce samouraï d'Occident avoir eu le temps de se tourner vers Dieu et d'implorer son pardon avant de rendre l'âme, selon le schéma décrit par le saint curé d'Ars à une mère éplorée dont le fils s'était jeté d'un pont.
Jean-Claude Philipot
Le dernier geste de Dominique Venner
" Tout à l'heure à 16H00, Dominique Venner s'est suicidé, à Notre Dame,
devant l'autel d'une balle dans la bouche. Comment comprendre ce geste ?
Quels en sont les motifs ? Une lettre a été laissée sur l'autel, il
nous dira ce qu'il veut nous dire de son acte.
J'ai eu l'occasion, voilà déjà une quinzaine d'années, de rencontrer
Dominique Venner, de discuter avec lui, d'essayer de comprendre
l'antichristianisme militant de cet historien qui était à la fois si
froid et si passionné, si précis dans ses analyses et si lyrique dans
ses perspectives, sans que le lyrisme ne nuise à l'analyse ni l'analyse
au lyrisme. Dominique Venner avait une grande âme, "un coeur rebelle".
C'est ce qui m'avait fait éprouver pour lui, alors que nous étions aux
antipodes l'un de l'autre, une véritable sympathie. Il m'avait
d'ailleurs dédicacé son ouvrage autobiographique Le coeur rebelle : "A
l'abbé de Tanoüarn qui n'est pas un coeur soumis". Cette formule, je
l'ai longtemps méditée. Je crois que c'est en cela que nous avons été en
compréhension l'un de l'autre, lui et moi, dans le refus de toutes les
formes de soumission. Se soumettre c'est subir, subir c'est renoncer à
agir, renoncer à agir c'est accepter de ne pas servir, de ne servir à
rien, de se laisser happer par le grand Néant de tous les
A-quoi-bonismes, contre lequel Dominique s'est élevé toute sa vie.
Contre lequel pourrait-on dire, il a tenté d'élever sa vie et son
oeuvre.
Son dernier post, sur son blog, appelant à manifester le 26 mai contre
le mariage homosexuel, mêle la crainte d'une islamisation de la France à
ce signe de décadence morale qu'est le mariage des homosexuels. "Ce ne
sont pas de petites manifestations de rue" qui pourront changer quelque
chose à cette formidable conjuration "du pire et des pires" que présente
la vie politique française en ce moment. On devine une forme de
désespoir politique, vraiment poignant chez cet homme de 78 ans, dont on
pourrait penser qu'il en a vu bien d'autres, depuis les combats de
l'Algérie française, les appels à la résistance d'Europe jeunesse,
jusqu'à maintenant. Mais le désespoir n'est pas l'explication ultime de
ce dernier geste.
Du reste, sur son Blog, ce n'est pas le désespoir qui domine le texte
qu'il nous laisse : "Il faudra certainement des geste nouveaux,
spectaculaires et symboliques pour ébranler les somnolences, secouer les
consciences anesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines. Nous
entrons dans un temps où les paroles doivent être authentifiées par des
actes". On pense au sepuku de Mishima, il n'a pas pu ne pas y penser, en
choisissant froidement le lieu et le moment et en s'interdisant de se
rater. Son acte a été mûri, prémédité. Il avait remis les clés de la
Nouvelle revue d'histoire ce week-end à celui qu'il considérait comme
son plus proche collaborateur et son continuateur, Philippe Conrad. Sans
paraître affecté. Il avait fini sa tâche, il importait de donner un
sens à sa fin.
Sur son blog, il expliquait : "Il faudrait nous souvenir aussi, comme
l’a génialement formulé Heidegger (Être et Temps) que l’essence de
l’homme est dans son existence et non dans un « autre monde ». C’est ici
et maintenant que se joue notre destin jusqu’à la dernière seconde. Et
cette seconde ultime a autant d’importance que le reste d’une vie. C’est
pourquoi il faut être soi-même jusqu’au dernier instant. C’est en
décidant soi-même, en voulant vraiment son destin que l’on est vainqueur
du néant. Et il n’y a pas d’échappatoire à cette exigence puisque nous
n’avons que cette vie dans laquelle il nous appartient d’être
entièrement nous-mêmes ou de n’être rien".
"Nous n'avons que cette vie...". Cette affirmation, pour Dominique
Venner, est une donnée essentielle du problème. S'il n'y a pas d'au-delà
de la vie terrestre ; pour quelqu'un qui entend aller jusqu'au bout,
l'instant, chaque instant a un poids écrasant. Le chrétien comprend ce
sens de l'instant et ce sens de la responsabilité, mais il ne cherche
pas à aller au-delà du possible : Dieu est l'agent de nos destinée. Dieu
achève l'ébauche que nous lui tendons à la dernière seconde.Et le
sacrifice est encore une action, non une soumission. Dominique Venner
n'a pas voulu s'en remettre à Dieu de sa dernière seconde, il ne pouvait
pas faire ce sacrifice : il a souhaité la choisir. Pétri de philosophie
allemande, il a repris toute sa vie l'idée de Schelling, commenté par
Heidegger : "être c'est vouloir". Esse est velle. "L'être, c'est
le vouloir". Il faut vouloir jusqu'au bout pour être vraiment. Voilà la
formule d'un athéisme antinihiliste... Le sien.
Et pourtant...
Pourtant, Dominique Venner a choisi l'autel de Notre Dame pour cette
décision. C'est sur l'autel qu'il a posé une dernière lettre. Vraiment
je ne crois pas que, s'il a fait cela, c'est pour attirer l'attention,
pour que Manuel Gaz vienne sur les lieux. Il n'avait que faire de ce
genre de reconnaissance "médiatique". Son acte n'est pas médiatique, il
est symbolique. Quel symbole ? Celui de la Vierge Mère, celui de
l'éternel féminin, lui qui, dans son dernier blog professe "respecter
les femmes alors que l'islam ne les respecte pas". Sans doute. Mais il
ne faut pas oublier qu'outre sa culture païenne, Dominique Venner
possédait une solide culture chrétienne, avant que son entrée en
délicatesse avec une Eglise qu'il voyait comme absurdement pro-FLN ne
l'ait détourné de Dieu. Je crois que ce suicide-avertissement, que
Dominique a voulu comme une sorte d'analogie frappante avec le suicide
de notre civilisation, était aussi, pour lui, la seule manière qu'il ait
trouvé de passer par l'Eglise une dernière fois sans se renier. Une
sorte de prière sans parole, pour ce coeur inassouvi jusqu'à la dernière
seconde. Dieu ? C'était trop compliqué pour lui. Mais Marie... Une
femme, capable - Dieu le sait - d'exaucer enfin le désir de perfection
qui a été la grandeur et le drame de sa vie".
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